Ce soir la musique se fait lancinante. L’accordéon pleure et vibre. Le tango enivre. Je ferme les yeux. Je suis Saint-Exupéry survolant la Patagonie, Je vole en remontant de la péninsule de Valdez vers Buenos-Aires pour ouvrir les lignes de l’aéropostale. J’ai poussé plus au sud juste pour voir. Libre et heureux. Tout à l’heure j’ai survolé à quelques mètres un berger avec ses moutons au milieu de ce paysage infini et minéral. Les Andes se dressent devant moi personne ne m’attend nulle part. Il fait nuit maintenant, je marche dans les ruelles d’un quartier glauque de Buenos Aires. Comme tous les pilotes de la postale j’ai mes habitudes dans les bordels de la ville. Les filles m’interpellent sur le trottoir. Je rentre dans une gargote enfumée, l’accordéon continue de pleurer. Je m’installe au bar crasseux. Le patron, un belge échoué là par je ne sais quel méandre d’une vie tortueuse, sans rien me demander me sert une Téquila. Assis sur mon tabouret, je fume la tête abrutie par l’alcool et la fatigue du vol. Je fais tourner le liquide de mon verre pour mesurer le néant. Une main de femme vient me caresser les cheveux derrière la nuque. Je me redresse. Abandonne ma cigarette au cendrier. Je glisse ma main au bas de son dos. Juste à cet endroit où le désir des femmes vibre. Je l’attire vers moi et me colle à Elle. L’accordéon scande son désespoir. Nos jambes se croisent. Nos mains s’accrochent pour ne pas se perdre. Les gens, les tables, le bruit tournent autour de nous. Nos talons glissent sur le parquet. Je partage son désir et son abandon dans le mouvement de nos corps. Le tango triste et sensuel arrête le temps.
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